Le RN, faux candidat “anti-système”, vraie imposture sociale

L’extrême-droite s’est nourrie du climat autoritaire, raciste et réactionnaire installé notamment par le gouvernement macroniste depuis de nombreuses années. Elle s’est tout autant nourrie de la désespérance sociale lié à la casse de nos droits et à la dégradation constante de nos conditions de vie et de travail.

Le RN prétend défendre les classes populaires, ouvrières, ouvriers et employé·es, en développant des discours à géométrie variable et opportunistes, dont le seul point commun est toujours la recherche d’un bouc-émissaire chez les plus précaires : l’étranger, le migrant, le chômeur.


Le RN se positionne comme le défenseur de l’occident, blanc, chrétien et viriliste, qui serait menacé, attaqué, envahi par le reste du monde, le monde non-blanc. Cette idéologie ouvertement raciste s’inscrit dans une histoire, celle de la sanglante colonisation de l’Amérique, celle de la traite négrière et de l’esclavage, celle ensuite de la colonisation du reste du monde par l’occident, celle encore contemporaine du post-colonialisme et des nouveaux impérialismes. En bref l’idéologie du RN s’inscrit dans la longue tradition de la suprématie blanche.

Via le mythe du grand remplacement le RN présente une blanchité menacée par la sauvagerie fantasmée des non-blancs, et en particulier des musulmans et musulmanes. Et en miroir, avec la préférence nationale, le RN se présente comme le protecteur des Français suffisamment blancs. L’Occident apparaît ainsi comme une forteresse assiégée, devant repousser tout ce qui vient de l’extérieur.

C’est donc le retour à un occident mythique et fantasmé que prône le RN : sans échange, sans mélange, et surtout dominateur.


Le RN a compris qu’une des tactiques pour nous faire accepter toujours plus est de nous maintenir dans la peur du déclassement. Tant que nous penserons pouvoir tomber plus bas, nous irons travailler croyant ainsi garder la tête hors de l’eau. Tant qu’il y aura moins bien loti·es que nous, nous penserons pouvoir socialement nous élever plus que nos semblables.

Alors le RN divise, segmente, atomise la population en plusieurs identités : de l’homme blanc hétérosexuel et intégré dans le monde du travail jusqu’à la personne migrante, étrangère à la langue, privée d’emploi et de logement, en passant par la femme voilée, la personne trans, le “jeune de cité”, l’allocataire·rice du RSA… Nous sommes ainsi réduit·es à des caricatures, et nous ne voyons les autres qu’au travers de ces archétypes. Cela neutralise toute possibilité de compréhension mutuelle et d’empathie. Certaines de ces minorités sont désignées comme bouc-émissaires : elles seraient bénéficiaires de plus d’aides que nous, elles seraient privilégiées, elles nous voleraient nos impôts et nos emplois. Ainsi le mensonge, la méfiance et la haine remplacent la compréhension et la solidarité.

Ces idées racistes ont un objectif clair : servir le capital et les intérêts des exploiteur·euses. Car ne soyons pas dupes, le FN-RN a toujours était un parti à la tête duquel se trouve la bourgeoisie, dont les dirigeant·es sont pour nombre d’entre elles et eux des rentier·ères.

Le RN travaille pour sa classe sociale, celle des oppresseur·euses, et pour nul autre.


Ces constats de racisme par intérêt et conviction idéologique ne relèvent ni d’une croyance, ni seulement d’une opposition idéologique de notre part, ils sont des faits. Car sitôt que l’on se penche sur son programme et ce que fait réellement le RN, et plus particulièrement ses votes au parlement européen ou à l’assemblée nationale, l’imposture apparaît rapidement.

Au parlement européen, le RN s’oppose à toute mesure en faveur des salarié·es. Une directive européenne, votée le 14 septembre 2022, se fixait pour objectif d’assurer un salaire « suffisant pour un niveau de vie décent ». Cette mesure a pour objectif de permettre de relever de 20 % en moyenne les salaires de 25 millions d’Européen·nes, essentiellement dans les pays de l’Est, et réduire ainsi le dumping social entre les travailleur·ses au sein de l’Union. Le RN a voté contre, argumentant notamment que cette mesure devrait être compensée par des exonérations de cotisations sociales pour l’employeur·euse… soit un nouveau cadeau aux entreprises et des recettes en moins pour les caisses de la Sécurité sociale pour financer les pensions de retraite, l’assurance maladie, les accidents du travail…

Rémunération des stagiaires : le RN vote contre. Pour limiter l’exploitation des stagiaires partout en Europe, le parlement européen a voté une directive fixant des normes de qualité minimales avec des règles sur la durée des stages, la rémunération, l’accès à la protection sociale. Les stages devraient être rémunérés de manière à couvrir les besoins vitaux tels que l’alimentation, le logement et le transport selon le coût de la vie de chaque État membre. Le RN a voté contre, prétextant que c’est seulement aux employeur·euses “de cerner les besoins”.

À l’Assemblée nationale, les positions du RN sont tout aussi claires. Dès le début de leur mandat, ses députés ont par exemple voté contre l’augmentation du SMIC (20 juillet 2023), contre l’indexation des salaires sur l’inflation (20 juillet 2023), contre le gel des loyers (21 juillet 2023). À la même période, ils et elles se sont abstenu·es sur la création d’une garantie d’autonomie pour les étudiant·es (25 juillet 2023) ou sur la revalorisation des minima sociaux au niveau du seuil de pauvreté (25 juillet 2023), ainsi que sur la revalorisation des salaires des fonctionnaires de 10 % (26 juillet 2023). Quant aux mesures “sociales” avancées par le RN sur ce terrain, elles sont autant de leurres. Dans la proposition 5 du programme du parti d’extrême droite pour l’élection présidentielle de 2022, il entend permettre aux entreprises d’augmenter les salaires de 10 % en les exonérant de cotisations patronales (pour les salaires allant jusqu’à trois fois le Smic). Or, non seulement elle serait facultative, laissée au libre choix de chaque entreprise, mais en plus elle repose sur des exonérations de cotisation, ce qui constitue une nouvelle fois une attaque contre le système de sécurité sociale.

En 2022, le parlement européen a voté une directive visant l’instauration d’un cadre minimal pour renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les genres . Celle-ci prévoit notamment des outils d’évaluation non sexistes des emplois, garantit le droit à l’information sur les rémunérations pour les travailleur·ses et introduit un renversement de la charge de la preuve en cas de non-respect des obligations de transparence par l’employeur·euse. Une avancée pour l’égalité qui n’est pas du goût du rassemblement national qui s’est abstenu. Une position à priori opportuniste alors qu’en 2020, les eurodéputé·es RN ont voté contre les mesures visant à faire reculer les inégalités femmes-hommes considérant qu’il n’est pas souhaitable de « conditionner la quasi-totalité des aides à l’UE à des actions favorisant l’égalité hommes-femmes ».

Le discours du RN sur la fonction publique s’appuie tout d’abord sur des idées poujadistes en décalage complet avec la réalité que nous vivons au quotidien. Celle-ci serait en train de mourir de son “obésité administrative”, selon les mots du député RN Christophe Bentz. Marion Maréchal-le Pen entonne le même discours depuis des années et va même jusqu’à remettre en cause le droit de grève et le droit syndical dans la fonction publique. Plus précisément, le RN propose de réaliser des économies sur la fonction publique tout en proposant un renforcement des effectifs quasi exclusivement sur les services répressifs comme la police et la gendarmerie. Au-delà de la contradiction apparente, on imagine assez bien le sort réservé aux ministères dits sociaux dans un tel projet politique libéral-autoritaire.

Fondamentalement la vision portée par le RN est de nature à mettre profondément à mal le vernis de l’accueil universel et inconditionnel, vernis déjà bien fissuré. Le RN prône un service public qui exclut en faisant reposer son fonctionnement sur la préférence nationale. Il recommande ainsi l’instauration de règles permettant de traiter différemment les familles en fonction de leur origine, en contradiction totale avec les valeurs d’égalité et de solidarité que défendent tant bien que mal de nombreux·ses travailleur·euses des services publics.

Hôpitaux et soins : l’approche idéologique du parti d’extrême droite s’incarne notamment en matière de santé. Alors que nous faisons face à un accroissement des besoins en santé, à un déséquilibre mortifère entre les secteurs public et privé et à une forte pénurie de professionnel·les, le RN ne propose que des mesures libérales d’incitation. Le logiciel raciste du RN conduit en revanche ce parti d’extrême droite à refuser le recours à des médecins étranger·ères, à l’hôpital comme en médecine dite de ville. Elles et eux sans qui, pourtant, notre système de soin se serait depuis longtemps effondré, alors même qu’ils et elles sont déjà si injustement traité·es et exploité·es. Toujours dans la même logique, le RN propose de supprimer l’AME, contre toute logique sanitaire.

Cette posture s’incarne aussi dans les votes de ce parti au parlement européen. Afin d’améliorer quelque peu les conditions de travail et favoriser le recrutement dans le secteur des soins, le parlement a voté une recommandation visant l’ouverture de négociations pour améliorer les salaires et les conditions de travail, garantir des normes plus élevées en matière de santé et de sécurité au travail ; s’attaquer aux stéréotypes de genre, ratifier et mettre en œuvre la convention 189 de l’OIT sur les travailleur·euses à domicile datant de 2011. Même pour cette recommandation, loin d’être révolutionnaire, le RN a voté contre. Une opposition qui en dit long sur les motivations du RN face à la détérioration des services de santé.

Audiovisuel public : le RN suggère tout simplement de privatiser l’ensemble de l’audiovisuel public dans sa proposition 6. Cela ne ferait qu’aggraver l’état déjà déplorable du paysage médiatique français, influencé par un petit nombre d’ultra riches, et largement favorables aux idées de l’extrême droite. Nous pourrions très rapidement nous retrouver dans une situation similaire à celle de la Hongrie ou de l’Italie, c’est-à-dire avec une absence totale d’opposition à l’idéologie dominante dans les médias.

Éducation : le rapport du RN à l’éducation peut se résumer en deux points : faire de l’éducation une arme de guerre idéologique pour promouvoir son projet raciste et inégalitaire ; accroître et favoriser un système d’éducation inégalitaire au détriment des classes populaires. Le RN promet de « reprendre en main le contenu et les modalités des enseignements », à rebours de la liberté pédagogique, de « renforcer l’orientation précoce des élèves », au détriment des familles les moins favorisées, de « supprimer les enseignements Langue et culture d’origine », « d’instaurer des sanctions plancher qui devront être appliquées lors des conseils de discipline sous peine de sanction contre l’encadrement des établissements », ou encore de « généraliser la vidéo-protection dans tous les établissements du secondaire, en priorisant les réseaux d’éducation prioritaire. »

Impunité des multinationales : afin de tenter de remettre en cause l’impunité des multinationales, le Parlement vote une obligation de vigilance en 2021. Ce texte vise à tenir responsables les multinationales en cas de violations des droits humains – comme le recours au travail forcé – ou des détériorations environnementales perpétrées par leurs sous-traitants pour les matières premières par exemple, partout dans le monde. Seuls les eurodéputé·es d’extrême droite s’y sont opposé·es. Une position confirmée lors du vote d’une résolution visant à renforcer la directive sur la responsabilité environnementale des entreprises. Pour le RN, l’Europe n’a pas à “enfreindre” la souveraineté des États en leur fixant des objectifs contraignants ; un argument bien vite oublié par le parti quand il s’agit de voter des lois plus en phase avec son idéologie.

Protection des travailleurs précaires : l’union européenne a adopté une directive visant à réguler pour la première fois l’économie des plateformes et imposant la présomption de salariat permettant ainsi aux travailleur·ses de bénéficier des mêmes protections sociales que n’importe quel salarié·e, et ce, dès son embauche. Comme sur de nombreux sujets portant sur l’amélioration des conditions de travail, le RN a voté contre. Même consigne de vote pour le rapport sur la santé mentale au travail et dans les lieux de travail. De même, les eurodéputé·es se sont abstenu·es sur le droit à la déconnexion ou pour protéger les travailleur·ses sur les risques d’exposition au plomb et ses composés.

Suite à la pression des mobilisations sociales pour le climat, l’Europe a mis en place un programme de réforme en faveur de la transition écologique : le “Pacte Vert”.

Enfermé dans son opposition à toute mesure contraignante face au changement climatique, le RN s’est opposé aux mesures de ce Pacte vert même celles qui visaient à soutenir les classes populaires. Les eurodéputé·es RN ont ainsi voté contre le fonds social pour le climat qui soutient les ménages souhaitant rénover leur logement, accéder à un véhicule électrique ou installer une pompe à chaleur par exemple. De même, les élu·es RN ont refusé de taxer les superprofits des géants du pétrole, gaz et charbon.

Les mesures du RN concernant les impôts vont toutes dans le même sens : favoriser encore plus les plus riches.

À l’assemblée nationale le RN s’est tout d’abord prononcé contre le rétablissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) (23 juillet 2023).

Dans son programme, il propose un ensemble de mesures visant à soutenir les propriétaires fonciers, alors que l’accès au patrimoine est aujourd’hui une des principales sources d’inégalités. Cela se retrouve dans sa proposition 16 de suppression de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

S’agissant des “jeunes”, le RN ne propose pas – là encore – de soutenir les plus vulnérables mais bien les plus aisé·es. Dans sa proposition 7, il promet l’exonération d’impôt sur le revenu de tous les jeunes actif·ves jusqu’à 30 ans, ainsi que la suppression de l’impôt sur les sociétés pour les entrepreneur·ses de moins de 30 ans pendant les cinq premières années, au motif qu’il y aurait dans les deux cas un risque de départ à l’étranger. Pour les jeunes en insertion, il s’engage à créer un chèque-formation mensuel de 200 à 300 euros pour les apprenti·es, les alternant·es et leurs employeur·ses, ce qui dans les faits constitue un nouveau cadeau au patronat.

Surfant de manière opportuniste sur le mouvement social d’ampleur d’opposition à la Réforme Macron des retraites en début d’année 2023, le RN avait promis d’abroger ladite réforme. Cette promesse est déjà remisée dans les cartons.

Le 11 juin dernier Jordan Bardella rétropédalait ainsi au nom de la “situation économique”. Le retour de la retraite à 60 ans a depuis disparu de la plateforme programmatique du parti pour les prochaines législatives.

Plus globalement aucune des mesures empruntées à l’opposition de gauche – retraite à 60 ans pour tous, défense des 35 heures, sauvegarde du statut de la fonction publique, remise en cause de la loi travail –, en vue de gagner un électorat populaire en 2017, n’a été préservées dans le programme de 2022.

Le RN, par la bouche de Bardella, ne cesse aujourd’hui de courtiser les faveurs du patronat en multipliant les phrases de type « économiquement, je suis raisonnable » ou « il faut que le décideur politique ait conscience qu’il ne sait pas mieux que le chef d’entreprise » face aux dirigeant·es du Medef (18 avril 2024). Il ne défend pas les intérêts des classes populaires, il cherche au contraire à les diviser en détournant les questions sociales et des luttes collectives. Il joue pour cela sur la logique du bouc émissaire à travers les figures de “l’assisté·e”, ou plus encore de “l’immigré·e” qui profiteraient du “système” en les assimilant à des fraudeur·euses. On le voit le RN retrouve toujours la fonction de tous les fascismes et néo-fascismes lorsqu’ils arrivent au pouvoir : être les chiens de garde de la bourgeoisie et du patronat.


C’est en faisant monter les mobilisations collectives, par la grève et l’action syndicale, avec des revendications claires et de classe, que nous pouvons faire reculer le fascisme et le capitalisme !

Une Gauche autoproclamée “de rupture” avec le néolibéralisme s’est unie dans un nouveau “Front Populaire” afin de réanimer l’espoir de mai 1936 et l’union face à l’extrême droite. Mais il ne faut pas oublier qu’en 1936, il a fallu une grève générale afin d’obliger le patronat à aller négocier les Accords de Matignon et pour obliger le Front Populaire à appliquer son programme. Il ne faut pas non plus oublier que les élites politiques de gauche en 36 étaient elles aussi traversées de tendances racistes et colonialistes, tout comme celles d’aujourd’hui le sont encore.

Notre horizon passe par l’affirmation, par notre classe, d’un projet de transformation social clair, dont il faut assumer qu’il ne s’accomplira que par une rupture révolutionnaire avec un monde capitaliste en voie de fascisation avancée.

Nous appelons à participer à toutes les initiatives et à lutter par tous les moyens contre le fascisme et l’extrême-droite.


Publié

dans

, ,

par

Étiquettes :