Communiqué des bibliothécaires de la CNT 38 — À retrouver également en pdf maquetté en bas de l’article
Les bibliothécaires de Grenoble sont mobilisé·es depuis le 31 juillet, et en grève depuis le 24 août, pour dénoncer la mise en place du contrôle du passe sanitaire dans leurs équipements. Depuis de nombreuses semaines s’enchaînent les réunions, les lettres ouvertes, les journées de mobilisation locales et nationales, les AG et les rassemblements avec toujours autant de difficulté à se faire entendre au niveau local et national.
Les bibliothécaires sont opposé·es au contrôle du passe sanitaire pour plusieurs raisons :
• Pour défendre le principe d’accueil universel des bibliothèques : inconditionnel, sans justificatif. L’obligation de présenter un passe sanitaire pour rentrer dans ces établissements est une rupture dans les liens de confiance et de proximité construits depuis des années avec les usager·es.
• Parce qu’elles et ils dénoncent la discrimination de l’accès des usager·es, aux bibliothèques à cause du contrôle du passe. Ceci est d’autant plus criant pour les publics les plus précaires, souvent éloignés de la vaccination, et privés ainsi de l’accès à la culture et à l’information. Leurs missions de service public et de lecture publique sont remises en cause par ce contrôle. La situation est aggravée avec l’extension du passe sanitaire aux 12-17 ans.
• Parce qu’elles et ils ont été habilité·es de force au contrôle, sans consentement, ce qui représente de fait une modification unilatérale des profils de poste.
• Parce qu’on ne peut justifier entrer dans un centre commercial sans aucun contrôle et y être obligé pour une bibliothèque ou un service public, d’autant moins qu’on y on applique le port du masque et la distanciation. La limitation de l’accès à une bibliothèque par le contrôle du passe sanitaire n’a donc aucun fondement sanitaire.
• Parce qu’elles et ils s’alarment des inégalités sociales et territoriales induites par les exemptions de contrôle du passe qui sont faites aux Bibliothèques Universitaires, à la Bibliothèque Nationale de France et la Bibliothèque Publique d’information, pour des “motifs professionnels ou à des fins de recherche”. En quoi un usage serait-t-il plus légitime qu’un autre ?
• Parce qu’elles et ils refusent d’être transformé·es en auxiliaires de police et de participer aux dérives autoritaires du gouvernement. Parce qu’elles et ils refusent que le contrôle social d’une partie de la population par une autre devienne une norme.
Grenoble met le dialogue social au compost
« […] pour préserver nos libertés, nous nous opposons à la nouvelle loi proposée à l’assemblée, tout comme aux mesures antisociales qui visent à faire payer la note de la crise sociale au monde du travail. À cette fin, nous aspirons à des mobilisations dans les semaines et mois qui viennent. » — Libération, 22 juillet 2021
Cet extrait vient d’une tribune publiée dans Libération le 22 juillet 2021 et réunissant de nombreuses signatures d’associations, de syndicats, de partis politiques, de personnalités et d’élu·es, s’opposant au projet de loi sanitaire et dénonçant le passe sanitaire car « toute vie sociale et professionnelle sera contrainte par le fait d’être vacciné ». Elle a été signée par Éric Piolle, maire de Grenoble et donc employeur des bibliothécaires de la ville.
Hypocrisie rouge et verte au pouvoir
À Grenoble, après avoir appris qu’elles et ils avaient été habilité·es de force à contrôler les passes sanitaires (alors que le projet de loi les en dispensait dans un premier temps), les bibliothécaires ont immédiatement alerté leur hiérarchie et leur tutelle, pensant à juste titre, être soutenu·es dans leur refus d’appliquer la loi.
La réponse de la mairie fut aussi cinglante que dissonante. La mairie de Grenoble, tout en dénonçant médiatiquement cette loi sanitaire et disant se reconnaître dans les revendications portées par les agent·es de terrain, leur intime désormais l’ordre de se soumettre, d’obéir et de contrôler ! L’adjoint au personnel, usant d’attitudes et d’un langage méprisants, pensant pouvoir dicter ses positions aux syndicats, invite à se battre contre cette mesure pour faire bouger le gouvernement et dans le même temps annonce que des sanctions tomberont contre les personnels qui refuseraient d’effectuer les contrôles !
La Ville de Grenoble adopte alors une posture supra-légaliste et autoritaire, à l’image du gouvernement, et tente par tous les moyens de minimiser et de stigmatiser cette lutte.
Lutte sociale contre gesticulations politiques
Soutenue par l’ensemble des syndicats de la ville de Grenoble (cgt, cfdt, fo, sud-ct, cnt, cftc), union inédite à ce jour, les bibliothécaires se sont mis·es en grève pour l’abrogation du contrôle du passe sanitaire et contre les menaces de sanctions. Mi-octobre, elles et ils en sont à 26 jours de grève, dont 2 journées nationales.
Au côté de l’intersyndicale, elles et ils ont mené 3 semaines de grève continue, puis sont passées à deux jours de grève par semaine, ont enchaîné les AG, les rassemblements, les rendez-vous à la préfecture, en mairie, des réunions publiques, des manifestations, ont créé des liens interprofessionnels, informé et reçu un fort soutien des usager·es et ont fédéré la lutte avec d’autres communes de l’agglo puis au niveau national.
De son côté, la ville de Grenoble a joué un numéro digne de la Comédie française, envoyant des lettres à Véran et Bachelot, pour demander mollement le retrait du contrôle du passe en bibliothèque et se donner bonne conscience. Bien sûr ces lettres sont restées sans réponses, tout comme la lettre ouverte des bibliothécaires de Grenoble à Éric Piolle, leur employeur.
Prendre les petites victoires et continuer à se battre
En octobre, enfin, suivant en cela la décision d’autres villes, la mairie de Grenoble décide l’exemption du contrôle du passe sanitaire pour les 12-17 ans, les étudiant·es et les animations socio-linguistiques. Elle met également en place des comptoirs de prêt à la porte des bibliothèques ; on n’entre pas sans passe mais on peut emprunter. Ces quelques avancées ont fait l’objet d’un chantage : arrêt des grèves locales et du refus de contrôle mais incitation à se mobiliser lors des grèves nationales ! Les bibliothécaires ont pris les avancées obtenues par leur mobilisation mais refusent que la mairie leur dicte leur conduite.
Aujourd’hui, les bibliothécaires et l’intersyndicale poursuivent donc la lutte ! Ni passe sanitaire, ni sanctions, pour un service réellement public !
Face aux tentatives de division, l’union, l’action et l’autogestion font la force
Depuis le 24 août, les bibliothécaires subissent un harcèlement continu pour les intimider, les diviser, les soumettre, voire les briser. Quotidiennement, quand elles et ils ne sont pas en grève, leurs responsables les interrogent pour savoir si elles et ils acceptent ou non de contrôler le passe sanitaire. En cas de refus, elles et ils reçoivent immédiatement un mail leur signifiant que des mesures administratives (sanctions disciplinaires) sont prises à leurs égards. Depuis 7 semaines, elles et ils subissent ces pressions et ces menaces, qui frôlent le harcèlement, sans qu’aucune information ne leur soit communiquée sur la sanction prévue, ni sur le délai.
Désertée par Éric Piolle, plus soucieux de défendre ses ambitions politiques que le service public grenoblois et les agent·es dont il reste l’employeur, la ville de Grenoble est gérée par l’adjoint au personnel, Pierre Meriaux. Se comportant comme un patron du CAC 40, celui-ci attend des agent.es de la ville docilité et soumission, leur opposant un mépris de classe qui n’a rien à envier à celui d’Emmanuel Macron. Ce “manager” municipal, inspecteur du travail, syndicaliste lui-même, n’a cessé de s’adresser aux syndicats avec un ton paternaliste et méprisant remettant en cause leur légitimité. Il n’a cessé d’instrumentaliser l’intersyndicale, pour casser les liens de confiance tissés avec les grévistes et faire appliquer au rouleau compresseur les décisions prises par la collectivité territoriale. Le “dialogue social” de la ville vitrine de la gauche alternative n’est plus qu’un slogan vide. Tous les syndicats, même les plus “réformistes”, ont quitté la table des négociations.
La ville de Grenoble a utilisé toutes les vielles techniques patronales pour casser ce mouvement social dont elle ne voulait pas : mensonges, pressions, intimidations, menaces, divisions, management par la peur. Bloquée dans sa posture condescendante et dogmatique, elle n’a jamais pris l’ampleur du malaise, de la révolte et de la détermination des bibliothécaires, comme ce fût déjà le cas en 2016 lors du plan de démantèlement des services publics municipaux baptisé plan de “sauvegarde” par le service de com’ municipal. Ayant lâchement déléguée la lutte contre le passe aux agent·es, elle a choisi la voie du pourrissement plutôt que celle d’une sortie de crise honorable. Avec la mairie de Grenoble, “l’alternative politique”, c’est marche ou crève !
Solidarité face à la répression : un coup porté à l’un·e d’entre nous est un coup porté à nous tous·tes !
Puisque la lutte continue, un nouveau cap a été franchi dans la répression : 10 bibliothécaires, dont une camarade cénétiste, sont convoqué·es pour des mesures administratives, ce qui signifie sanctions disciplinaires. Dernière tentative, presque désespérée, pour casser un mouvement qui résiste à l’autoritarisme de son employeur.
Quelle satisfaction Éric Piolle peut-il tirer à sanctionner des bibliothécaires qui se battent pour plus de justice sociale et pour défendre l’accès inconditionnel aux bibliothèques ?
« Ainsi, en à peine quelques semaines, une même personne aura appelé à un mouvement de refus du passe sanitaire, puis aura tout fait pour l’éteindre, y compris par la menace et les débordements dont l’un de ses adjoints semble coutumier, et enfin tente de l’annihiler par des sanctions disciplinaires. » — Tribune de soutien parue dans Médiapart, 13 octobre 2021
Malgré la répression, les bibliothécaires, viscéralement attaché·es à leurs missions de service public, refusent que la crise sanitaire serve à une nouvelle offensive contre le camp des travailleur·ses et les services publics et permette d’instaurer une société du contrôle.
La CNT 38 est solidaire des bibliothécaires convoqué·es pour sanctions disciplinaires et apporte son soutien total à la lutte des bibliothécaires et à leurs revendications :
Abrogation de la loi sanitaire et du passe
Arrêt des menaces et refus des sanctions
Communiqué des bibliothécaires de la CNT 38 et de l’union départementale 38
Toutes les infos sont à retrouver sur le facebook des “Bibliothécaires de Grenoble en lutte” :
Caisse de grève : “Caisse de solidarité des bibliothécaires de Grenoble en lutte > sur papayoux-solidarite.com
Pétition : Pour une bibliothèque accessible à tous” > sur change.org
Communiqué mise en page (pdf) à retrouver ici :