Enfants migrant·e·s à l’école ! (prise de parole)

C’est dans ce cadre que :

L’Intersyndicale “Enfants migrant·es à l’école !” réunit des professionnel·les de l’Éducation nationale qui interviennent auprès de personnes migrantes (enfants et leurs familles, jeune isolé·e·s), en situation de grande précarité et dont l’accès aux droits est bafoué : droit à l’hébergement, à l’éducation, aux soins, à des ressources suffisantes pour se nourrir et se vêtir, à des loisirs, et pour les majeur·e·s, droit au travail, à la régularisation, à un accompagnement social à la hauteur des besoins.
L’Intersyndicale a pour objectif de recenser, de rendre publique et de mobiliser contre les atteintes au droit à l’éducation des élèves migrant·e·s du fait de la précarité de leurs conditions de vie, de politiques discriminantes ou du manque de moyens.

L’absence d’hébergement est une de ces atteintes aux droits et, alors que les rentrées scolaires s’enchaînent, la situation des familles, des enfants et des élèves à la rue ne fait que s’aggraver. En 2025, il semble devenu normal pour les institutions de laisser des enfants naître, vivre et mourir à la rue.

Au niveau national :

  • Plus d’un millier de mineur·e·s isolé·e·s étranger·e·s à la rue ont été recensés par la “Coordination nationale jeunes exilés en danger”. Ces jeunes sont engagé·es dans une procédure en justice pour faire reconnaître leur minorité (gagnante dans la majorité des cas) et ne sont pas protégé·e·s le temps de cette procédure, des mois durant ;
  • Plus de 2100 enfants (dont 1500 en âge scolaire) resté·e·s à la rue avec leur famille malgré un appel au 115 ont été comptabilisé·e·s à la veille de la rentrée 2025 dans le cadre du baromètre des enfants à la rue (publié chaque année par l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Soit une augmentation de 30% depuis 2022. Parmi les familles restant sans solution, de plus en plus de femmes enceintes ou avec des enfants en bas âge.
  • Et ces chiffres ne reflètent pas la véritable ampleur du problème : beaucoup de familles n’arrivent pas à joindre le 115 ou ne l’appellent plus faute de proposition. Les mineur·e·s isolé·e·s sans abri ainsi que les familles vivant en squats ou en bidonvilles ne sont pas comptabilisés. Auvergne-Rhône-Alpes fait d’ailleurs partie des 4 régions qui comptent le plus grand nombre de familles à la rue.
  • le collectif “Morts de la rue” a recensé quant à lui 30 enfants mort·e·s à la rue en 2024 parmi les 900 personnes qui y sont décédées.

Dans l’agglomération grenobloise, la situation est tout aussi préoccupante :

  • 450 enfants (dont 250 sur la seule ville de Grenoble) et leurs familles vivent à la rue, en bidonville, squat, hébergé·e·s chez des tiers ou dans des hébergements dont ils/elles vont être expulsé·e·s.
  • Les familles nouvellement arrivées pour demander l’asile se retrouvent systématiquement à la rue plusieurs mois durant alors qu’elles ont droit à un hébergement spécifique.
  • Pour les autres familles (déboutées du droit d’asile, sans papiers, européennes expulsées à plusieurs reprises de squats et bidonvilles), les propositions d’hébergement d’urgence via le 115 se font au compte-goutte et le plus souvent ponctuellement dans un accueil de nuit réservé aux femmes et enfants qui n’est pas un véritable hébergement.
  • Une vingtaine de jeunes isolé·e·s en recours contre la non reconnaissance de leur minorité vivent aussi à la rue.

Depuis la rentrée, chaque semaine, des écoles et établissements scolaires, des parents d’élèves, des personnels, les syndicats de l’éducation nationale, des associations, des travailleurs·euses sociaux sont alerté·e·s sur de nouvelles situations d’élèves qui vivent à la rue ou sont menacé·e·s de s’y retrouver.

La responsabilité de cette situation dramatique et scandaleuse incombe à l’absence de volonté politique des institutions et au non respect de leurs propres lois :

  • L’État refuse de financer et ouvrir de nouvelles places d’hébergement, de créer des logements sociaux et très sociaux et de lutter contre le logement cher. Ce qui conduit à un tri honteux des personnes à protéger malgré le droit inconditionnel à un hébergement. Les propositions d’hébergement sont par ailleurs très souvent indécentes, la préfecture recherchant le moins coûtant (lieux isolés loin des transports , chambres sous dimensionnées, interdiction de cuisiner et distributions alimentaires insuffisantes, hygiène dégradée, suivi social inconséquent voire contrôle social…).
  • Le conseil départemental ne met pas les moyens pour assurer la protection de l’enfance qui n’en n’a plus que le nom. Terminée l’époque où un·e enfant à la rue était considéré·e comme étant en danger et donc à protéger et héberger.
  • Les collectivités locales (métro, mairies) refusent pour la plupart de s’emparer de la problématique et ne font rien ou trop peu pour assurer l’hébergement sur leurs territoires.
  • À cela s’ajoute les politiques et lois austéritaires, racistes et anti pauvres qui s’enchaînent. Elles ne font qu’aggraver la situation, réduisant les droits des personnes précaires et migrantes, conduisant à leur criminalisation et les plongeant dans l’angoisse de la précarité, des arrestations et des expulsions.

Les conséquences de la précarité quotidienne liée à l’absence de domicile ou à l’indignité des hébergements sur la santé mentale et physique sont particulièrement dramatiques pour les enfants. Cela les empêche de grandir et d’apprendre dans des conditions favorables.

La hiérarchie de l’Éducation Nationale ne joue pas son rôle d’assurer le droit à une éducation de qualité pour tou·te·s les élèves :

  • Pour les enfants dont les familles ont réussi à obtenir un hébergement pérenne (400 mineur·e·s vivraient en hébergement d’urgence dans l’agglomération), la scolarité n’est jamais prise en compte : iels sont le plus souvent scolarisé·e·s loin de leur lieu de vie ce qui les oblige à se lever tôt et effectuer des longs trajets engendrant une fatigue importante. Et pour les élèves demandeurs/euses d’asile, la nationalisation de la demande d’asile les condamne à des déménagements successifs et donc des ruptures de scolarité multiples y compris dans une même année scolaire. Ces parcours scolaires discontinus entraînent des risques importants de déscolarisation sur lesquels l’institution reste muette.
  • Le manque de personnels médico-sociaux pour accompagner les élèves en situation de précarité (psychologues, médecins, infirmier·es, assistant·es sociaux·ales, membres des Rased), renforce les situations de souffrance des élèves comme des professionnel·le·s mis·e·s en incapacité de faire correctement leur travail.
  • De plus, les conditions d’accueil et de scolarisation des élèves allophones se sont dégradées : nous manquons d’enseignant·e·s titulaires, de remplaçant·e·s, les attentes d’inscription dans les collèges/lycées sont souvent anormalement longues et nous sommes régulièrement alerté·e·s de retards d’inscriptions voir de blocages pour des élèves du primaire dans certaines communes.
  • Enfin, si la hiérarchie de l’Éducation nationale semble avoir mis fin localement aux menaces scandaleuses sur les personnels qui se mobilisent pour mettre à l’abri des élèves, elle continue à faire pression en rappelant régulièrement que se soucier du sort des élèves les plus précaires ne fait pas partie de notre travail. Et plutôt que participer à contraindre les autres institutions à mettre les moyens pour assurer le droit légitime à un toit, à proximité des lieux de scolarisation, elle préfère se ranger du côté de la préfecture en accusant les familles à la rue d’être responsables de leur situation.

Pour toutes ces raisons, l’Intersyndicale “Enfants migrant·e·s à l’école !” se mobilise aux côtés des collectifs de parents et professionnel·le·s de l’éducation et participe aux occupations d’écoles et d’établissements pour mettre à l’abri des élèves et leurs familles. Grâce à l’action de l’Intercollectif des écoles occupées de l’agglomération (soutenu par le RESF 38, le DAL 38, la FCPE 38 et l’Intersyndicale « Enfants migrant·e·s à l’école »), ce sont plus de 90 familles et 240 enfants qui ont obtenu des propositions d’hébergement de l’État ou du CCAS de Grenoble depuis octobre 2022.
C’est une victoire mais c’est encore trop peu face à l’ampleur de la situation qui exige des solutions politiques globales, dont bien sûr la réquisition des logements vides. À ce jour 8 écoles sont toujours occupées pour mettre à l’abri 10 familles dont 24 enfants. Ce n’est pas à nous, personnels de l’Éducation Nationale et parents d’élèves, de pallier les manquements des institutions qui ont de plus en plus tendance à considérer les écoles comme des centres d’hébergement-bis. Nous rappelons que la vie dans une école n’a rien d’une vie digne et que les situations qui s’y éternisent ne sont pas tenables pour les collectifs.

Cela passe par :

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Et le dernier bilan de la rentrée 2025 est à retrouver ici :
https://ul38.cnt-f.org/2025/10/18/enfants-sans-toit-bilan-de-la-rentree-2025/


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