Texte de l’intercollectif des écoles occupées auquel la CNT participe avec l’intersyndicale « Enfants migrant·e·s à l’école ».
L’intercollectif aura un cortège durant la manifestation du mercredi 18 décembre pour la journée internationale des migrantes et migrants.
Cette année encore, le nombre d’enfants à la rue ne cesse d’augmenter. En France, entre 2000 et 3000 enfants dorment à la rue chaque soir (estimation basse basée sur les appels au 115 qui exclut les familles qui n’appellent plus faute de proposition ainsi que les mineur·e·s isolé·e·s).
Sur l’agglomération, nous estimons à 450 le nombre d’enfants à la rue, en squat, bidonvilles, hébergé·e·s chez des tiers ou dans des hébergements dont ils/elles vont être expulsé·e·s, dont 250 sur la seule ville de Grenoble. Il s’agit le plus souvent d’enfants dont les familles sont en demande d’asile, ou déboutées du droit d’asile, sans papiers ou de mineur·e·s non accompagné·e·s.
Depuis la rentrée, il ne se passe pas une journée sans que des enseignant·e·s, des parents d’élèves, le RESF, les organisations syndicales ne soient alertées pour une nouvelle situation d’élève à la rue dans les écoles, collèges et lycées de l’agglomération.
Depuis la rentrée, il ne se passe pas une semaine sans qu’une nouvelle école soit occupée pour mettre à l’abri des élèves et leur famille. L’État piétine le droit inconditionnel à l’hébergement pourtant garanti par le Code de l’Action Sociale et des Familles, et le Conseil départemental de l’Isère n’assure plus la protection de l’enfance.
L’augmentation du nombre de familles avec enfants à la rue s’explique par le manque de places d’hébergements, le manque de logements sociaux, et par la politique d’expulsion sans solution des squats, bidonvilles et hébergements de demandeurs/euses d’asile débouté·e·s. Pour les mineur·e·s non accompagné·e·s, leur présence massive à la rue s’explique par les dysfonctionnements liés à l’évaluation de leur minorité (critères non fiables, soupçon permanent, délais très longs et absence de protection le temps de cette évaluation). À cela s’ajoutent les effets des lois anti pauvres et racistes criminalisant et précarisant davantage encore les sans papiers, sans-domiciles et mal-logé·e·s, les plus récentes étant les lois Kasbarian et Darmanin.
Pour les familles ayant réussi à obtenir un hébergement, même avec un toit sur la tête, la situation reste totalement indécente :
- hébergements ponctuels juste pour la nuit pour une partie de la famille avec remise à la rue le matin. L’accueil de nuit n’est même plus en capacité d’accueillir une semaine sur deux les femmes seules avec enfants.
- hébergement pérennes mais dans des lieux isolés éloignés des moyens de transport et des lieux de scolarisation (comme à Voreppe et Moirans). Nous avons sans cesse dénoncé cet éloignement et les conditions de vie parfois insalubres, avec des chambres inadaptées à la taille des familles, une interdiction de cuisiner, un contrôle social très fort… Nous saluons donc la décision de fermeture du centre de Voreppe au mois de mars remplacé par un lieu à Grenoble. Nous serons attentif·ves aux conditions de vie dans ce nouveau centre.
- hébergements pérennes en colocations non choisies qui peuvent entraîner des tensions entre les familles.
Contrairement aux discours des chef·fe·s de l’Éducation Nationale, ces situations d’extrême précarité concernent bel et bien l’école et l’institution scolaire car elles constituent une entrave majeure au droit à l’éducation : il n’est pas possible de grandir et d’apprendre sereinement en dormant mal, en ayant peur, faim et froid. C’est pourquoi, face à la défaillance des institutions, la solidarité des personnels et des parents d’élèves s’organise partout en France. Des collectifs se mobilisent autour des familles et élèves à la rue notamment en occupant des écoles : depuis la rentrée, à Grenoble, déjà 13 écoles ont été occupées pour mettre à l’abri 18 familles dont 48 enfants. Des chiffres équivalents à ceux du mois de juin 2024 alors que l’année ne fait que commencer. En cette fin d’année 2024, à l’entrée de l’hiver, 10 écoles sont toujours occupées.
Mais la lutte paie puisqu’à Grenoble, grâce à l’action de l’«Intercollectif des écoles occupées et mobilisées de l’agglomération grenobloise», ces deux dernières années, la mairie a pris en charge l’hébergement de la majorité des familles des écoles occupées qui ne se sont rien vu proposer par l’État à la veille des vacances d’été.
Nous savons cependant que rien n’est pour autant réglé car le nombre de familles et d’enfants vivant à la rue en augmentation constante exige des solutions politiques globales. Ce n’est pas à nous, personnels de l’Éducation Nationale et parents d’élèves, de pallier les carences des institutions, les écoles ne doivent pas devenir des centres d’hébergement-bis. Nous rappelons le caractère intenable des situations qui s’éternisent pour les collectifs de parents et de personnels solidaires qui continuent parfois à subir des pressions et menaces scandaleuses de la hiérarchie de l’Éducation Nationale ou des services de la mairie.
Mais il est de notre responsabilité à nous, avec le soutien des syndicats et des associations, de continuer à rendre visible la situation et à mettre la pression sur la préfecture, l’Éducation Nationale, le Conseil Départemental, la Métro, et les mairies afin qu’elles assument leurs responsabilités.
Nous exigeons qu’aucun·e élève ne subisse la violence de la privation de toit et de la précarité.
Nous exigeons :
- la création de places d’hébergement d’urgence, dignes et pérennes à proximité des lieux de scolarisation des enfants
- la création et l’attribution de logements sociaux
- et pour ce faire la réquisition des logements vides.
- Nous exigeons aussi la régularisation de tou·tes les sans papiers présent·es sur le territoire, qui vivent ici, travaillent ici, étudient ici.