C’est à se demander ce qu’on attend ! La destruction décomplexée du droit du travail, l’assèchement délibéré des caisses de la sécurité sociale (suppression des cotisations salariales), la sélection des étudiant-e-s à la fac, la destruction de tous les services publics et la précarisation pour les fonctionnaires et les cheminots… le tout saupoudré des provocations d’usage : suppression de l’ISF, grappillage de 5€ sur les APL… Le catalogue des mesures ouvertement anti-sociales n’en finit pas de s’allonger. La riposte sociale, c’est pour quand ?
Thatcher est morte il y a cinq ans mais son cadavre continue d’empuantir les salons des décideurs du gouvernement et du patronat, unis comme jamais pour nous faire la peau.
Les services publics sont à nous, nous les faisons vivre, il faut les défendre !
Nous, travailleurs et travailleuses des services publics, avons à cœur nos missions d’utilité sociale. Santé, éducation, mobilité, solidarité sociale … échappent encore largement aux lois de la concurrence, de la rentabilité, de la sélection par le fric. Nous sommes expert-e-s de notre travail et nous sommes les agents de la stabilité et de la continuité de l’œuvre sociale que sont les services publics, construits à force de sacrifices et de combats sociaux. Nous n’avons aucunement l’intention de laisser cet édifice commun aux mains des opportunismes politiques ou des appétits financiers. Nous sommes, dans notre travail quotidien et dans nos luttes collectives, les garant-e-s de l’intérêt général.
RGPP, MAP, Plan action publique 2022… c’est toujours non !
Depuis toujours, les possédants cherchent à reprendre ce que nous avons en commun pour se l’approprier. Il y a 10 ans, c’était la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), rebaptisée Modernisation de l’Action Publique (MAP) à l’occasion d’un changement de gouvernement, nous en sommes aujourd’hui au plan Action Publique 2022 et … plus ça change plus c’est pareil ! (en pire).
Nous ne sommes pas assez stupides pour penser que derrière ces acronymes de communicants se cache une quelconque plus-value pour les usager-e-s, nous ne sommes pas assez naïf-ve-s pour croire qu’on va gagner quoi que ce soit en laissant les vautours « moderniser », « simplifier » ou « numériser » nos métiers, nos valeurs, notre patrimoine commun.
Action Publique 2022, c’est tout d’abord l’annonce de 120 000 suppressions de postes (50 000 dans la fonction publique d’État, 70 000 dans la fonction publique territoriale) d’ici 2022. Mais il y a plus.
Dans une lettre envoyée aux syndicats début février, Monsieur Darmanin, a annoncé son projet d’ « élaborer un nouveau contrat social avec les agents publics », grâce à « un dialogue social exemplaire, sans a priori ni tabou ». Et ce dernier de poursuivre : « il va falloir revoir les missions de service public ».
Comprenez : le gouvernement ne va plus se contenter d’étouffer les services publics en supprimant toujours plus de postes années après années. Il passe cette fois à la vitesse supérieure en attaquant le statut et les missions.
Partout où le management passe, les conditions de travail trépassent.
Concrètement la mise en œuvre de ce programme doit s’effectuer à travers les mesures suivantes :
• Un recours massif aux contractuel-le-s,
• Le développement de la rémunération dite « au mérite »,
• L’accompagnement des départs (vers la sortie), à l’occasion des fermetures de services.
- Recours aux contractuel.le.s
Les contractuel-le-s représentent déjà 17 % des effectifs publics, le gouvernement veut encore augmenter leur nombre. On connaît la chanson et cette stratégie déjà éprouvée dans d’anciennes entreprises publiques. D’un côté on recrute de moins en moins de personnels statutaires (voire plus du tout pour certaines catégories), de l’autre on recrute des contrats précaires pour colmater les brèches.
On casse ainsi le statut, et les droits qui y sont attachés, lentement mais sûrement. Qu’on pense simplement à La Poste ou anciennement France Telecom (où les sinistres méthodes des managers ont permis des départs volontaires, y compris par la fenêtre, avec une trentaine de suicides).
En cassant les protections statutaires des salarié-e-s, on crée différents niveaux de précarités dans un même lieu de travail et on casse ainsi les solidarités professionnelles et les dynamiques unitaires dans les luttes, ce qui est très efficace pour asseoir le pouvoir hiérarchique et imposer des régressions (qu’il s’agit d’appeler « réformes »).
- Rémunération « au mérite »
Dans un contexte de point d’indice bloqué depuis des années (16 % de perte de salaire réel si on prend en compte l’inflation depuis 2000) et d’augmentation de la CSG, le gouvernement a beau jeu de faire miroiter une rémunération dite « au mérite ».
Nous ne connaissons que trop la finalité de ce type de discours démagogique et la fonction réelle de ce genre de mesures. Le discours « méritocratique » permet tout d’abord de faire, ad nauseam, de la démagogie anti-fonctionnaire censés être faignants et donc non « méritants ».
Sa fonction concrète est d’individualiser toujours plus les conditions d’emploi et le rapport de chaque agent à son travail en ligne directe avec sa hiérarchie. La mise en concurrence de tou-te-s contre tou-te-s facilite grandement l’emprise managériale sur les agents. L’idéologie méritocratique est une machine de guerre contre les droits collectifs et le statut des fonctionnaires. Nous le constatons depuis des années, moins les salaires augmentent collectivement (via le point d’indice) plus la part variable de la rémunération, elle, s’accroît.
Cette part variable du salaire donnée en fonction de la soumission du fonctionnaire s’appelle le RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel). C’est un poison qu’il faut combattre car, loin de « valoriser » l’engagement dans le métier, il fait reculer les droits de chacun-e et empêche tout réel travail d’équipe.
- Départs « volontaires »
Pour les services qui ont vocation à être purement et simplement supprimés ou délégués, il est prévu de pousser les agents dehors « soit sous forme de mobilités au sein des fonctions publiques, soit de départs de la fonction publique vers le secteur privé ». En un mot si vous faites parti d’un service public qui a vocation à être supprimé, ça sera soit mutation forcée, soit dehors…
Vers la casse du statut
Recours massif aux contractuel-le-s, stagnation du point d’indice au profit de la rémunération variable, reconversions et mutations forcées : derrière l’ensemble de ces mesures c’est bien le statut général de la fonction publique qui est attaqué.
Dans son dossier de presse du 1er février, le gouvernement n’hésite pas à annoncer que « les agents n’ont plus vocation à faire le même métier pendant toute leur vie professionnelle ».
Comment doit-on comprendre également le projet de « donner plus de souplesse pour les employeurs publics dans leurs recrutements » ? Est-ce la fin des recrutements nationaux sur concours au profit d’entretiens d’embauche avec des petits patrons-publics locaux ?
Le statut du fonctionnaire n’est pas le vestige poussiéreux d’un monde révolu. Il est la garantie d’une formation initiale et continue en vue d’assurer une mission difficile loin des ambitions personnelles. On ne fait pas « carrière » dans la fonction publique, on exerce un métier et on l’exerce de longues années car il n’y a pas de « routine » quand on doit faire face aux urgences dans un hôpital ou assumer l’éducation d’un groupe de 30 élèves. C’est pour cela qu’on peut aussi compter sur l’expertise et l’expérience des fonctionnaires qui s’inscrivent durablement dans leur profession. Dans ce cadre, la « sécurité de l’emploi » est la condition d’un peu plus de sérénité dans un contexte de plus en plus oppressant et devrait être la norme plutôt qu’une exception.
Comment détruire en « réformant » ?
La ficelle est grosse, la méthode est ancienne, mais l’illusion continue d’opérer. Après avoir désorganisé les services en les privant de moyens, on produit une étude sur le niveau catastrophique des élèves, les délais d’attente aux urgences, les retards de trains… Les « experts » à gages sont envoyés sur les plateaux de télévision pour préparer l’opinion à la nécessité d’une réforme et justifier les régressions en les présentant comme nécessaires.
En évoquant une « Modernisation de la fonction publique », on distille dans l’esprit l’idée que le service public est quelque chose de désuet. 30 ans de propagande anti-fonctionnaires (profiteuses-eurs, avantages indus, … ) ont rendu possible que les coups contre les travailleuses-eurs des services publics pleuvent, dans l’indifférence : gel du point d’indice, rétablissement du jour de carence, absence de «gain de pouvoir d’achat», rémunération « au mérite »… Autrefois, les possédants pensaient conserver leurs avantages en se cramponnant au monde tel qu’il était, aujourd’hui, ils garantissent leur domination par la déstabilisation et la réforme permanente.
Public, privé, précaire ou titulaire : refusons le poison de la division.
Les plus crédules qui pensent que ces mesures ont la moindre chance d’améliorer leurs conditions de travail ou d’existence, leurs accès aux droits ou le taux de chômage ont pris leur tour dans la grande file d’attente qui les mène à l’abattoir capitaliste, celui qui conjugue la précarité ou la misère pour tous et toutes et les profits outranciers pour quelques-uns.
Nous savons que les vrais « privilégié-e-s » ne travaillent ni derrière un guichet sncf un samedi soir, ni dans un service d’urgence de nuit, ni dans une classe de 32 élèves, ni dans une file d’attente de pole emploi, ni un balai à la main à 6 h du matin, elle-il-s sont actionnaires du CAC40 ou PDG « assisté-e-s » sous perfusion publique d’une boite qui perçoit le CICE (100 milliards d’€uros depuis 2012).
Fonctionnaires et usager-e-s : la solidarité est notre arme !
Le premier ministre l’a dit, les usager-e-s vont avoir le « droit de connaître les performances des services publics » et tous les services publics devront communiquer à la population des « indicateurs de résultats qui prendront en compte la satisfaction des usagers ».
La logique de l’évaluation généralisée et le développement d’un rapport clientéliste des usager-e-s s’intensifierait selon les souhaits du gouvernement. L’idéologie du pilotage par l’évaluation permanente et la transformation de tous les aspects de nos métiers en actes quantifiables et mesurables n’en finissent pas de faire crever la dimension humaine et relationnelle de nos missions. L’hôpital est malade de la T2A, l’école « évalue » la conscience civique, le savoir être ou la façon de nager, les classements distinguent les lycées en fonction de leur taux de réussite au bac. Partout les chefs nous demandent de remplir des fiches de contrôle plutôt que de réfléchir. Partout la numérisation permet la surveillance des personnels ou des élèves comme avec le Livret Scolaire Unique numérique.
Dans cette logique implacable, si les fameux indicateurs ne sont pas bon, ce sera bien évidemment parce que les agents sont mauvais. A cet égard, la numérisation promise de tous les services publics ouvrira la possibilité de dépôt de plainte en ligne par les usager-e-s contre les agents du service public. Ainsi, d’un côté, on numérise tout en faisant de l’accès aux services publics un parcours du combattant et en éloignant l’usager-e d’un contact direct avec les agents (essayez d’avoir un rendez-vous avec un agent de la CAF…), de l’autre on demande aux usager-e-s de se plaindre (toujours en ligne) dans une opposition démagogique usager-e-s vs agents.
Nous n’avons pas besoin « d’indicateurs de performances », nous avons besoin de disponibilité humaine, de formation choisie de qualité et de confiance entre les fonctionnaires et les usager-e-s.
Les usager-e-s des services publics n’ont rien à gagner lors d’un passage d’une logique d’intérêt général à une logique du profit et de rentabilité.
Nous sommes aujourd’hui face à un véritable projet politique de liquidation totale des services publics, avec remise en cause du statut général de la fonction publique et plan social massif à la clef.
Appliquant fidèlement le programme du Medef, ce gouvernement poursuit son objectif : détruire l’ensemble des conquêtes sociales depuis plus de 50 ans, droit du travail, sécurité sociale, services publics, c’est-à-dire toutes les institutions qui apportent quelques limites à l’exploitation capitaliste et à la loi du marché ou faisant valoir la solidarité contre le seul profit.
Il continue sa guerre sociale en attaquant toutes les catégories populaires et l’ensemble des travailleurs : jeunes, chômeuses-eurs, salarié-e-s, agent-e-s de la fonction publique, retraité-e-s.
Toutes et tous en grève le 22 mars !… et après ?
Seule une réponse d’ensemble et une véritable convergence des luttes pourra arrêter ce rouleau compresseur. C’est pourquoi il faut construire un rapport de force, celui de la lutte des classes en bloquant l’économie. Et pour cela, il faut d’abord réussir la mobilisation du 22 mars et préparer sa reconduction partout où c’est possible dans les jours et semaines qui suivront.
C’est par la grève générale, l’occupation, la réappropriation de nos lieux de travail et de vie, dans la rue que nous gagnerons !
Discutons, échangeons, multiplions les réunions publiques, les assemblées générales, participons aux initiatives unitaires, développons les blocages, occupations.
Le recul social ne se négocie pas, il se combat !
Parce qu’encore une fois, c’est nous qui travaillons, alors c’est nous qui décidons !
Nous revendiquons :
– Un véritable service public gratuit et solidaire géré par les travailleuses-eurs et les usager-e-s, accessible à tou-te-s et partout.
– Le retrait de la loi travail et autres Plans/lois/ordonnances patronales à venir
– Le renforcement du droit syndical (dans le service public et privé)
– L’autogestion des caisses de la sécurité sociale, par des salarié-es élu-es (élections sociales) et le maintient de leur financement par les cotisations et non par l’impôt (CSG)
– L’arrêt des exonérations de cotisations sociales patronales et l’augmentation des budgets
– Une augmentation significative des salaires ainsi qu’une diminution du temps de travail sans flexibilité.
– L’abrogation du jour de carence
– L’arrêt des suppressions d’emplois
– Le refus de la précarité sous toutes ses formes : la titularisation de tous les emplois précaires des services publics et un CDI pour tous et toutes dans le secteur privé
Toutes et tous en grève le 22 mars !
Luttons ensemble !
RDV à 10h devant la Gare de Grenoble
Assemblée générale travailleuses et travailleurs de l’éducation 14 h 30 bourse du travail de Grenoble.