A l’année prochaine, même jour, même heure… ?
Ça y est ! Ils l’avaient promis, ils l’ont fait : plus de 50 000 postes supprimés en 4 ans… Quelle entreprise privée – puisque c’est leur modèle – supporterait une telle saignée sans s’effondrer ? Quasiment plus aucune école, plus aucun bahut n’est épargné ou ne perçoit pas directement les conséquences des réductions de postes. Alors les effectifs des classes augmentent tranquillement : même dans les quartiers populaires la « règle » des 25 élèves par classe en primaire n’est plus respectée. Alors nos conditions de travail se dégradent chaque jour : misères sociales et économiques allant croissantes, on se retrouve avec de plus en plus de gamins pétant des câbles dans nos classes, tant leur détresse est grande, et nous sommes incapables d’y faire face faute de moyens humains, de temps, et surtout d’une école respectueuse de l’enfance et de l’adolescence. La suppression des RASED et des structures de prévention ou de soin fait qu’on parque tous ces gamins pêle-mêle quels que soient leurs maux dans des classes « clis » ou « ulis », pris en charge par des enseignant-e-s de moins en moins formé-e-s ! Comment pourrait-il d’ailleurs y avoir encore une formation spécialisée lorsque c’est toute la formation au métier d’enseignant qui est supprimée depuis l’année dernière ? Alors on assiste au délitement progressif de notre statut au profit d’une gestion individualisée de nos parcours professionnels, bientôt de nos salaires, avec la mise en place cette année des ECLAIR comme à la Villeneuve : les principaux de collèges et les IEN peuvent commencer à recruter qui bon leur semble, sur « profil ». Bientôt, les directeurs/directrices d’école qui ne seront plus des collègues mais des supérieur-e-s hiérarchiques feront de même et contrôleront au quotidien ce qui se passe dans nos classes. Tou-te-s nous feront passer des entretiens individuels qui permettront de moduler nos salaires, donner une prime aux « méritant-e-s » c’est à dire aux plus serviles.
Au quotidien, on voudrait donc que notre métier se réduise de plus en plus à des missions de sélection (les évaluations nationales, le livret personnel de compétences et autres « usines à cases » numériques) et de fichage (sconet, base élève, affelnet). Tous ces dispositifs « d’évaluation » ne sont pas au service de nos élèves, ils ne nous servent en aucun cas à ajuster notre pédagogie ou a cibler nos aides. Ils ne servent qu’à nous contrôler et à asseoir le pouvoir de la hiérarchie et de ses méthodes managériales autoritaires, arbitraires et infantilisantes. Les conséquences sont connues : souffrance au travail jusqu’aux plus tragiques extrémités, comme l’a illustré, cet été, le suicide de notre collègue stagiaire, qui n’a pas supporté un licenciement après une année de harcèlement professionnel. Pour autant, nous ne sommes pas dupes de cette journée « d’action » : nous avons déjà fait la même l’année dernière… et l’année d’avant… et celle d’avant encore… Une journée sans lendemain, décidée par des centrales syndicales qui préparent les élections professionnelles qui auront lieu dans quelques semaines et pour lesquelles l’enjeu est probablement ailleurs que dans la préparation à une lutte nécessaire. Nous savons donc d’ores et déjà que, ce soir, nos revendications ne seront pas satisfaites… sauf… …sauf si nous parvenons à imposer des démarches résolument collectives et massives. Avoir une démarche collective, c’est s’unir pour réclamer plus de postes non pas pour son école ou son bahut mais bien pour toutes les écoles et tous les établissements ; c’est désobéir au directives qui nous dépossèdent de notre liberté pédagogique ; c’est sécher les consternantes « conférences pédagogiques » qui ne sont que des opérations de communication de la hiérarchie et de ses éternelles exégèses des évaluations nationales ; c’est refuser que nos missions s’apparentent à celles de flics censés étiqueter les élèves et punir les parents en cas « d’absentéisme » ; c’est décider ensemble et en assemblée générale des luttes que l’on mène, de leurs dates et de leurs durées. Nous devons nous organiser à la base en profitant des heures et des réunions d’information syndicale, des stages syndicaux. Ils peuvent être pris sur « nos » 108 h, c’est un droit, nous l’avons conquis, utilisons-le !
Ce ne sont pas les élections de mi-octobre, ni même celles du 6 mai 2012 qui nous redonneront tous les postes et toutes les formations perdus. Ce ne sont pas ces votes qui nous permettront de lutter efficacement contre les mouvements actuels de privatisation, individualisation, rentabilisation des services publics du monde entier (ou ce qu’il en reste, « austérité » oblige). Nous participerons aux mouvements de l’ensemble des services publics qui sont dans le même viseur du pouvoir que l’éducation, ou à un mouvement interprofessionnel, le 11 octobre, tant c’est l’ensemble des salarié-e-s qui sont les premières victimes de cette politique au service des banques.
Alors s’il est un vote aujourd’hui encore vraiment utile, c’est bien celui de la grève. Mais d’une vraie grève, celle qui se bat réellement, reconduite jusqu’à la victoire de nos revendications.
CNT éducation 38